mardi 25 août 2015

la fille qui n'aimait pas la fin...

Quand l'été se termine, la fille a toujours un petit blues. C'est comme ça.
Bon, quand l'année scolaire se termine, la fille a un petit blues aussi.
Et puis à l'automne, après la bougie de plus. 
Et au nouvel an, aussi des fois.
En fait, la fille a du mal avec la finitude. Chaque fin est comme un petit deuil à porter.
Le temps qui passe, les enfants qui grandissent, la fille qui vieillit, tout ça, quand-même, parfois ça pique un peu...

Mais dans ces moments là, la fille a un truc...

"Je feuillette alors mon album photo, tu sais, celui que j'ai dans la tête. 
Celui des souvenirs, celui où la réalité est telle que je l'ai perçue peu importe la vérité.
Ma vie en Polaroid. Dans cet album-là, la cour de récré de mon enfance est restée immense. Tout y est en couleurs hyper saturées. 
L'intensité des instantanés. Ça fait du bien de s'y plonger... 

Ce qui se termine va me manquer. Je le sais, c'est pour ça qu'il me faut m'en imprégner, avant de m'en détacher. Si on faisait un petit tour dans les photos de cet été?

Il y a eu les vacances en solo, les vacances avec les enfants, la famille, les potes, les enfants des potes.
Il y a eu Marseille, Avignon, La Ciotat, Aix. Il y a eu la Drôme. Il y a eu le Lot et Garonne. Il y a eu Toulouse et puis Paris.
Il y a eu une parenthèse entre la Vieille Charité et Montmartre.
Il y a eu la plage, les marchés, les brocantes, les musées, les expos, le théâtre, le cinéma.
Il y a eu les mojitos, la Clairette, le vin blanc, le coca zéro.
Il y a eu le camping, le squattage de canapé, l'hôtel, la location.
Il y a eu les rivières, la Méditerranée, les piscines, les lacs. Les calanques, la pinède. La ville, la mer, la campagne.
Il y a eu le TGV, la voiture, le vélo et même le pédalo. 
Il y a eu le soleil, la chaleur, beaucoup. Et un peu de pluie aussi.
Il y a eu peu de cigarettes. Pas trop d'alcool. Mais beaucoup trop de glaces, de tapenade et d'apéros!
Il y a eu des rires, petits, discrets, d'autres fous, forts, bruyants. 
Il y a eu les marchés nocturnes, version citadine et jeunes créateurs, et puis version campagnarde et foire au saucisson.
Il y a eu des plans lose, forcément. Mais ils font partie de l'album, ils y resteront longtemps.

Bref, c'est des photos de vacances. Il y a surtout eu du plaisir."

La fille sur les photos est franchement souriante, détendue, plutôt bronzée. Mais avec des poignées d'amour qu'étaient pas là avant...
On voit plein de gens sur ces photos. Des gens qui comptent dans la vie de la fille. Ceux grâce à qui elle sourit, se marre, profite. Des gens de passage, aussi. Qui rendent la vie plus légère, poétique. Et il y en a qui ne sont pas sur les photos mais à qui la fille a pensé, beaucoup, pendant l'été.

Quand la fille a fini de plonger dans toutes ces images, toutes ces émotions, elle se sent remplie à nouveau. Elle se souvient alors que derrière chaque chose qui se termine, il y a autre chose qui commence.
Et commencer quelque chose, la fille adore ça.

A vos marques...


dimanche 1 mars 2015

L'Art poétique de la rencontre amoureuse selon la fille, de Boileau à Pascal (Obispo)...

Depuis le temps qu'elle était silencieuse, la fille, il fallait bien que cela arrive, elle cède à l'envie de reprendre la plume (le clavier disons).
Ben oui, avec tous ces événements tragiques, ces débats de fond sur la liberté d'expression, c'était sûr qu'elle aurait envie de s'exprimer à nouveau, elle aussi.
De s'interroger sur le sens des mots: liberté, s'exprimer, dire, écrire...
Interroger le sens de l'écrit, tourné vers un lecteur inconnu, qui peut-être même n'existera jamais.
Quelle compréhension l'autre peut-il avoir des mots qu'elle donne à lire?
Mais la réalité est comme toujours bien plus triviale. La fille, simplement, se regarde le nombril encore et toujours et ça la travaille, alors il faut qu'elle écrive, c'est comme ça, elle en a besoin...


" En voulant me la jouer un peu avec une citation, mais que je voulais exacte pour ne pas avoir l'air d'une truffe, je relis grâce à wikipédia quelques extraits de L'Art poétique de Nicolas Boileau.
La citation, la voilà:
"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément"
(pas mal écrit hein, le truc avec le nombre de pieds, les rimes et tout, ça le fait quand-même!)
Non, je ne me lancerai pas dans l'exégèse fine et argumentée de l'oeuvre de Boileau que j'ai reléguée au fin fond de ma mémoire depuis environ 1996. Par contre, je suis allée chercher cette citation parce que je crois que c'est en effet pour mieux me comprendre et agir que j'ai besoin de mettre des mots tout le temps sur tout.
Le fait de chercher mes mots, toujours inexacts, flous, vagues, de les retravailler, de les corriger, n'a d'autre utilité finalement que de m'aider à concevoir clairement les choses. C'est un constat somme toute banal et qui ne fait pas avancer beaucoup l'humanité, j'en conviens.
Mais voilà, ma petite auto-analyse du jour sera dédiée à Monsieur Nicolas Boileau.
Poursuivant ma lecture dudit poème, j'en découvre la suite:
"Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez."

(C'est fou ce truc des rimes et tout, ça me cueille à chaque fois, pas vous?)
Et là, bim, la révélation: je me dis que ce que Boileau applique à la création artistique, je dois l'appliquer à ma vie amoureuse. C'est ça, le secret. Car oui, quand je me regarde le nombril, c'est toujours un peu autour du même sujet de préoccupation: ma vie, mon cœur, mon cul (oui, la poésie, je la laisse à Boileau).
N'est-ce pas là un joli manifeste pour ne pas baisser les bras, continuer à chercher, ou du moins à croire que cela peut arriver? Bon, le métier à remettre sur l'ouvrage, est-ce à dire que c'est moi qu'il faut remettre en vitrine? Ou disons plus joliment qu'il faudrait que je m'autorise à vivre une relation qui ne soit pas vouée à l'échec? Que choisir des garçons avec lesquels rien ne se construira jamais vraiment est une page que je dois tourner? Et bien soit, j'en prends note, mon Nico, j'en prends note. (Oui, je tombe très vite dans la familiarité, moi, dès qu'on m'ouvre un peu sa porte...)
Poursuivons: me hâter lentement, n'est-ce pas là ce qui me définit parfaitement (au-delà du temps que je peux passer dans la salle de bains, je veux dire, ou à choisir le vernis à ongles qui enverra le bon message: genre je porte un vernis rouge mais je ne suis pas une fille facile. Bon, ça marche pas. Je suis une fille facile, avec ou sans vernis... Euh, je me hâte vraiment, mais je peux quand-même pas prendre le métro sans avoir mis à jour ma musique synchronisée sur Deezer!!!). Bon, je digresse, encore et toujours, mais c'est vrai que dans ma hâte amoureuse de passer à autre chose, j'use souvent d'une trop grande lenteur. Perdre mon temps à espérer des trucs qui n'arriveront jamais, euh, c'est quand-même un peu l'histoire de ma vie. Mais "sans perdre courage", il me connaît bien ce Nico ;-)
"Ajoutez quelquefois" (= fais de nouvelles rencontres) "et souvent effacez" (= pas sur adopte un mec!)
Un vrai mantra cet art poétique de la rencontre amoureuse, vous ne trouvez pas?
Pour finir:
"Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose :
Les yeux en le voyant saisiront mieux la chose ;

Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux."

(J'insiste, Nico, les vers, tu gères!)
Bon, là, je dois avouer que Nicolas et moi, on a un peu perdu de notre connexion mentale, j'ai du mal à le suivre. Est-ce qu'il veut dire que je ne dois pas tout miser sur mon physique? (ah bon???)
Que dans mon descriptif sur les sites de rencontre je dois développer un peu qui je suis? 
Non, parce que mon problème, parmi d'autres c'est qu'en effet, il est difficile à un pauvre garçon lambda d'imaginer que derrière les cigarettes de pétasse, le vernis à ongles, les jupettes un peu courtes se cache une demoiselle qui, si elle ne connaît pas Boileau vraiment par cœur, est tout de même capable de réfléchir un tout petit peu et même d'argumenter parfois sur le monde, la vie, la dette grecque, le front de gauche, le féminisme 2.0, le cinéma britannique, le caramel au beurre salé ou les bonbons Haribo. 
Bref, je sais bien, que je ne donne pas toujours à voir ce que je suis, surtout quand l'humour vaseux me sert de carapace sociale.
Parce que je tiens à le dire: lire Marie Claire n'empêche pas de lire Alternatives économiques (bon ça n'aide pas non plus, je vous l'accorde). 
De même que lire Douglas Kennedy n'empêche pas de lire E.M Forster. 
Qu'écouter FAUVE n'empêche pas d'écouter aussi Biolay ou Gainsbourg ou Tiersen ou Ibrahim Maalouf. 
Que regarder Orange is the new black ou Shameless dans son canapé n'empêche pas d'aller aussi au cinéma voir Timbuktu ou Le sel de la Terre.
Bon, vous avez un compris où je voulais en venir..."

Et ça, bon, Nicolas Boileau, il s'en foutait un peu, faut dire. Mais la fille, elle, en lisant L'Art poétique, elle a compris des trucs. 
D'abord, que la première personne à séduire, à apprendre à aimer, c'est soi-même. 
Qu'assumer ce qu'on est, c'est un premier pas pour se donner tel(le) qu'on est. 
Et même si cette philosophie pourrait sembler inspirée par une chanson de Pascal Obispo, la fille se dit qu'elle doit pas oublier d'essayer chaque jour de s'aimer un peu plus. 
Et semble commencer à comprendre (dans une hâte toute lente) qu'elle a envie d'être avec quelqu'un qui a envie d'être avec elle...
On avance, on avance, comme dirait Alain (Souchon) ;-)


samedi 6 septembre 2014

heureux qui comme la fille...

...a fait un beau voyage!
Cet été, la fille qui est une veinarde a fait un petit tour en Thaïlande. 
Oui, c'est banal pour certains, partir à l'autre bout du monde fait partie de la routine. 
Mais pas pour la fille. Depuis fort longtemps, la fille était restée dans son hexagone, où elle passe aussi de très jolies vacances. 
Mais partir, voyager lui manquait. Beaucoup. Plus qu'elle n'en avait conscience en fait.
La fille est donc partie faire sa touriste. 
Avec son sac à dos, ses chapeaux, ses lunettes de soleil. Et son Nikon.
Et puis, au long de son périple, la fille a petit à petit laissé tomber sa panoplie. 
Rangé le Nikon et ouvert les yeux. Ôté ses lunettes de soleil pour croiser les regards.
Et senti des trucs se passer dans son corps. Elle s'est découverte voyageuse.
Tout à coup, grâce au voyage, à la perte des repères qu'il induit, la fille a laissé de côté ses pensées. Et elle a écouté son corps:

"L'expérience du voyage ne s'intellectualise qu'après coup.
C'est d'abord avec mon corps que je vis le voyage.
Mes sens, sollicités tout à fait différemment, qui me mettent en posture de voyageuse.
Mes yeux, qui d'ordinaire glissent sur plein de choses et se focalisent sur un point, tout à coup se mettent à envoyer des tonnes d'informations en même temps à mon cerveau.
Tout est à regarder. Tout me semble différent, étranger. Tout ce qui tombe sous mes yeux, je le dévore, je l'assimile. Une gloutonnerie visuelle m'envahit. Je voudrais imprimer dans ma mémoire chaque lieu, chaque objet, chaque visage, chaque regard, chaque sourire.
Mon nez est assailli d'odeurs. Souvent plus déplaisantes les unes que les autres, il faut bien le dire. On a tous des odeurs imprimées dans notre cerveau, associées à des souvenirs. La tarte aux pommes dans le four, la forêt landaise, le parfum de ma grand-mère. Les souvenirs olfactifs sont paraît-il les plus prégnants. En Thaïlande j'ai souvent eu l'impression qu'un nez ne suffisait pas pour sentir toutes ces odeurs en même temps. Pourtant oui, je sais, le mien est suffisamment gros comme ça, je vous entends d'ici, bande de malotrus! Les odeurs de cuisine, partout, à chaque mètre, qui chatouillent mes narines mais aussi les ordures, les eaux usées qui s'écoulent par endroits dans la rue ou la rivière, sous les rails, l'odeur de l'essence dans les pirogues à moteurs, les ferrys, les bus. Ici, mon odorat me semble anesthésié. Là-bas, saturé.
Ma peau, couverte par des gouttes de sueur à tout moment. Cette sensation de transpirer à chaque instant, totalement étrangère à ceux qui comme moi vivent sous des climats tempérés.
Chaque repas est aussi une expérience pour le corps: les choses n'ont pas le goût attendu ou imaginé, les épices réveillent (ou endorment!) les papilles. Plats dont je n'évoquerais pas la digestion, tout un poème...
Et puis bien-sûr, les sons. N'entendre quasiment jamais parler sa langue maternelle mais une foule d'autres langues. Imiter l'anglais des Thaïs, pour finalement le faire sien avec le temps. Entendre une foule de bruits, à la nuit tombée: les chants des grenouilles, les bruits des insectes, des gekos, des oiseaux. Et puis selon les endroits, les bruits de la fête, tout le temps, partout. La première nuit en France, à mon retour, c'est ce qui m'a frappée: le silence. J'ai trouvé une étrangeté à ce silence comme j'avais trouvé étrange en arrivant là-bas qu'il y ait autant de bruit la nuit, où que l'on soit.

Pendant tout mon séjour dans les îles du sud, malgré toutes ces sensations, je suis restée une touriste. Je ne me sentais pas étrangère à mon propre environnement, mais bien étrangère dans ce pays visité. Habitée par l'envie de photographier, de collectionner des moments, pour en faire des souvenirs, par la joie d'être dans des lieux imaginés, rêvés, mais jusqu'alors inconnus.

Et puis, à un moment, au cours du voyage, la touriste a laissé la place à la voyageuse. Tout à coup, la sensation d'être présente à un endroit semblait aller de soi. Comme si j'étais là toute entière, sans me sentir étrangère.
En partant vers le Nord, après un interminable voyage en train de nuit pour traverser la moitié du pays, me voici dans un minivan pour parcourir 200 kilomètres encore et rejoindre la frontière birmane. Entre sommeil et veille, musique dans les écouteurs, sur une route sinueuse de montagne, un paysage nouveau, différent, se donne à voir par touches. J'aperçois un versant, puis il se cache. Réapparaît. Les rizières se laissent deviner au loin. Je sens combien mes yeux ont du mal à se détacher des lieux, déjà.
Et puis, le lendemain, en pirogue, tout à coup, le paysage tout entier me submerge. Me bouleverse. Jusque-là, j'ai vu de très jolis endroits dans ce monde. Mais jamais je n'ai encore ressenti cette émotion brute, pure et magique. Des larmes coulent de mes yeux sans que je comprenne bien pourquoi. Mon corps tout entier se met à frissonner, j'ai la chair de poule pendant de longues minutes. A cet instant, je sens que cette région et moi, on fait corps. Comme si j'avais attendu toute ma vie cette rencontre. Comme si c'était évident d'être là. Je ne peux plus cligner des yeux, fermer le regard à ces lieux m'est insupportable tellement c'est beau. Quand j'étais étudiante, j'ai rencontré plusieurs fois cette émotion esthétique pure face à des œuvres d'art. L'an dernier encore, j'ai rencontré un Miro. Mais cet été, j'ai rencontré un paysage. Comme on rencontre une personne. Comme si jamais je n'avais à ce point ressenti cet "ici et maintenant", cette présence au monde.
Coïncidence, c'est dans cette pirogue que mon chapeau s'est envolé. Que j'ai rangé l'appareil photo car j'avais trop envie de voir avec mes yeux, sans intermédiaire.
Puis, ce jour-là et les suivants, sont venues les rencontres avec des gens. Alors, les lunettes de soleil ont rejoint le sac à dos et les regards se sont croisés tellement intenses, tellement précieux. Ces personnes m'ont ouvert leur porte. Présenté leur famille: leurs enfants, leurs parents, leurs voisins. Ouvert leur maison, leur jardin, leur école, leur rizière. Donné tout ce qu'ils pouvaient me donner de connaissance de leur terre, de leur environnement, tant ils l'aiment et voulaient me le faire découvrir, vraiment.
Ces instants là ont été si intenses.Comment les oublier? Oublier l'émotion qui les a accompagnés?
Sur les quelques photos que d'autres ont prises pour moi et que je regarde, de manière assez obsessionnelle depuis mon retour, je cherche la trace de cette émotion, sans la trouver vraiment. Comment une image pourrait montrer combien je me suis sentie vivante et présente au monde en ces lieux, avec ces gens et à ces moments là?
Vivre ici et maintenant. Réussir, sans le vouloir et sans le contrôler, à être un corps et un esprit totalement connectés ensemble mais aussi connectés au lieu et au moment présent.
Voilà l'expérience fascinante que le voyage m'a offerte.

Depuis le retour, chaque jour la pensée du prochain voyage est là. Je veux repartir. Perdre à nouveau mes repères. Me laisser guider par d'autres lieux, d'autres temps, d'autres personnes.
Partir à la rencontre du monde.
J'ai écrit un article où je parlais de courir pour me retrouver moi-même. Désormais, je voudrais trouver les autres. Trouver le monde. Non pas le visiter mais le rencontrer, le vivre. le respirer, le voir, le sentir, le toucher, le goûter.

Alors depuis, bien-sûr, j'ai racheté un autre chapeau, rechaussé mes lunettes de soleil. Et ressorti le Nikon.
Mais je sais que je peux les laisser de côté. Et que je le ferai, dès que possible.
Et cette fois, avec mes enfants. Partager avec eux cette expérience m'est devenu essentiel."

Oui, heureux qui comme la fille...


mercredi 14 mai 2014

La fille qui court...

La fille, elle a jamais aimé courir. Jamais.
Ecole primaire, tours du (tout petit) stade: la fille se planque derrière le gymnase pendant un tour sur deux. La maîtresse fait semblant de rien remarquer. Elle doit pas aimer courir non plus, elle comprend.
Collège, cross, course dans la forêt boueuse: la fille court, suffoque, bave, pleure. Mais comme le prof, c'est un ancien colonel de l'armée, elle obéit et ferme sa gueule. Enfin, elle l'ouvre pour suffoquer, baver, pleurer. Et dire "oui, colonel!"
Lycée, tour de la piste d'athlé: la fille se planque derrière le gymnase et fume des clopes. C'est pour se venger du colonel a posteriori. Et asseoir un peu son statut de "la fille, là, c'est une rebelle!"
Terminale, la fille a le choix: athlétisme (des sports chiants où la plupart du temps il faut courir et être dehors) ou gymnastique: poutre, agrès, à l'intérieur toute l'année. "Bon, ben, si t'insistes alors, d'accord, je vais prendre GYMNASTIQUE!!!!!!"
Concours d'instit': épreuve de sport, courir 2000 mètres. La fille a zéro sur vingt. Si si, pour de vrai. Pas de colonel en vue, la fille elle court pas. Et puis elle assoit encore sa réputation de " la fille là-bas, c'est une rebelle!" "qui fume" "qui se la joue intellectuelle, moi j'ai mon concours grâce à mon cerveau!". Elle en a des trucs à asseoir la fille. En plus d'un popotin qui court pas.
Et puis, la fille, tu sais pas ce qui lui arrive? Et ben, elle non plus, elle sait pas. Mais voilà, la fille, en 2014, un matin, elle se dit "tiens, si j'allais courir?" Et elle y va.
Et là, stupeur et tremblements.
Orgueil et préjugés.
Raison et sentiments, euh, pardon, je m'égare... bref, la fille elle COURT. Des kilomètres. Longtemps.
Elle suffoque un peu, elle bave aussi (oui en vrai, c'est pas hyper glamour la fille qui court), mais elle pleure pas. Et toujours pas de colonel en vue, pourtant.
Et, tu sais pas le pire? Elle y trouve même du plaisir, la fille.
Et elle y retourne. Une fois. Puis deux. Et plus ça va, plus elle aime ça la fille.
Sauf que quand-même, 37 ans à détester courir plus que presque toute autre activité au monde, même le repassage, et puis tout à coup, choisir de le faire toute seule, comme ça pour le plaisir, c'est un peu déroutant pour la fille...
Alors elle se demande: "mais après quoi je cours???"

La fille fait donc sa liste des trucs-après-quoi-elle-court:
"D'abord, après un corps toujours plus mince, plus léger, plus ferme, plus fort, plus performant.
(elle écoute les sirènes de son époque, la fille, même si elle sait qu'elles ont tort, que veux-tu, les sirènes ça chante et ça a des pouvoirs magiques)
Après moi-même. 
Celle que j'ai été et que j'ai perdue, tu sais la petite fille, la jeune fille, celle qui avait des rêves, des idéaux. 
Celle que je n'ai pas réussi à être aussi, tu sais la fille parfaite, la mère parfaite, la sœur parfaite, l'amie parfaite, l'amoureuse parfaite, l'amante parfaite...la femme parfaite, quoi !
(qui paraît-il serait une connasse, mais ça la fille elle doit pas le savoir...)
Après le temps. Celui qui passe si vite. Qui me nargue. Qui marque mon visage. Qui me colle des cheveux blancs. Qu'arrête pas de me dire: ben alors, qu'est-ce que tu fais de tout ton temps? De ta vie? 
Après la vie, justement. Avec un grand V.
Après mes rêves.
Après l'amour... sans grand A, mais quand-même..."

Et puis, quand elle court, la fille, elle écoute son corps...
"J'écoute mon souffle, ma respiration, jusqu'à n'être plus que ce souffle, plus qu'un corps, dans l'effort. Le sentir qui respire, qui se bat contre la douleur, la fatigue, je me sens vivre physiquement. je transpire, donc je suis.
Je me laisse envahir pas les hormones aussi, bienfaisantes, apaisantes, régénérantes. Je laisse  la  sérénité, la plénitude m'envahir.
 Je me sens vivante. Forte et faible en même temps. Fatiguée mais puissante. La douleur et le plaisir.
C'est un rapport au corps et à l'effort que je découvre, tout à fait nouveau, différent."

Et elle laisse ses pensées cheminer. A quoi, elle pense, la fille, quand elle court?
"A ma liberté, d'être là, seule, musique à fond dans les écouteurs, au milieu de la forêt, un moment de tête à tête avec moi-même, rare, précieux.
A mes joies, intenses. Tu sais, quand on éclate de rire avec les potes. Ou avec mes gosses. Quand je danse. Quand je croise certains regards. Quand j'entends certains morceaux de musique. Certains mots.
A mes colères aussi. Le monde me met en colère souvent: un monde centré sur la réussite individuelle, sur l'argent, sur la performance. Un monde où on oublie trop souvent de regarder juste à côté de nous celui ou celle qui souffre.Un monde violent, injuste, terrifiant aussi. Un monde où les valeurs humaines de partage, d'écoute, de paix sont tellement difficiles à faire émerger.
A mes erreurs. Nombreuses. Desquelles j'essaye de tirer des leçons, pour grandir, progresser. Jusqu'à la prochaine.
A ma chance. Immense. D'avoir autant de belles personnes dans ma vie. De vivre tant de jolis moments. 
A des mots. Des phrases. Qu'on m'a dites. Que j'ai lues. Que les chansons dans mes écouteurs me rappellent. A celles que j'ai dites. Que je regrette. A celles que je n'ai pas osé dire.
Aux émotions que tout cela m'apporte.
A la vie, en somme."

Voilà au fond pourquoi la fille a pris goût à courir.
Pas seulement parce qu'elle a lu dans Marie-Claire que c'était hyyyyper tendance le running cette année.
Mais parce que dans ces moments-là, elle sent bien que son corps et son esprit sont totalement ensemble, connectés, vivants. Et que ça, ça la fait drôlement avancer la fille.
Même si elle revient toujours au point de départ de sa course, en fait, elle en parcourt du chemin.
L'air de rien.

samedi 8 mars 2014

la fille fête le 8 mars

Des fois, la fille change d'avis.
Par exemple, avant elle mettait jamais de vernis. Mais maintenant elle en met tout le temps.
Avant, elle disait "les slims c'est pas pour moi", et maintenant elle en porte.
"Les jeans avec des talons, non mais au secours" et puis finalement "ah ouais, c'est pas mal avec ces bottines-là".
Elle mangeait pas de brocolis et maintenant, oui. Buvait pas de vin et maintenant....hum hum.
Elle votait Sarkozy et maintenant,...pfffff, non je déconne... elle est tombée dans la soupe gauchiste quand elle était petite, la fille.
Bref, elle change souvent d'avis sur des trucs la fille.
Et notamment sur le 8 mars. La journée de la femme, qu'ils disent...

"Parce que j'ai la chance de pouvoir voter.
D'avoir mon propre compte en banque.
De pouvoir prétendre à des mandats électoraux.
D'exercer un métier que j'ai choisi librement.
D'être payée à l'égal de mes collègues masculins, puisque je suis fonctionnaire.
De porter des pantalons. Ou pas.
De m'être mariée librement avec un homme que j'avais choisi. De quitter cet homme librement, sans perdre aucun droit.
De ne pas porter de voile.
De conduire.
D'avoir fait des études.
D'avoir le choix de militer dans une association, un parti politique si j'en ai l'envie.
De pouvoir tenir un blog et y écrire librement ce que je pense.
De lire les livres que je veux. D'écouter la musique que je veux, d'assister aux événements culturels que je veux.
De boire de l'alcool. De fumer des cigarettes.
De disposer librement de mon corps. D'accéder à une contraception. A une couverture sociale.
De voyager. De circuler librement.
Et plein d'autres choses que j'oublie.
Mais auxquelles des millions de femmes dans le monde n'ont pas accès.
Pour toutes ces raisons, je ne peux plus entendre, comme trop souvent, que le féminisme est un combat d'arrière-garde.
C'est pourquoi, aujourd'hui, 8 mars, je veux rappeler quelques chiffres.
EN FRANCE:
80% des temps partiels sont occupés par des femmes.
29% des familles monoparentales avec une femme active à leur tête sont pauvres (c'est-à-dire ont un revenu d'activité inférieur à 964€ par mois).
57% des titulaires du minimum vieillesse sont des femmes.
22% des femmes vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 9% des hommes.
1 femme sur 10 subit ou a subi des violences de la part de son compagnon (et oui, une "simple gifle" est une violence).
DANS LE MONDE:
Sur les 40 millions de personnes réfugiées à cause d’un conflit armé et de violations des droits humains, 75 % sont des femmes et des enfants.
Chaque année, quatre millions de femmes sont vendues et achetées pour le mariage forcé, l’esclavage, la prostitution.
Environ 136 millions de femmes et de fillettes sont concernées par les mutilations sexuelles et l'excision.
En 2011, sur 192 chefs d'états et de gouvernement, on comptait 10 femmes présidentes et 10 femmes chefs de gouvernement.
Les femmes effectuent les 2/3 du nombre d’heures de travail et produisent plus de la moitié des aliments, mais elles ne gagnent que 10 % du revenu total, possèdent moins de 2 % des terres, reçoivent moins de 5 % des prêts bancaires.
Etc, etc, etc.
Les chiffres peuvent s'aligner pendant des pages et des pages, les faits sont là. 

Les femmes dans le monde ont des conditions de vie bien inférieures aux hommes. On ne peut ni ne doit l'accepter, qu'on soit un homme ou une femme.

LE SEXISME EST UN RACISME. LE FEMINISME EST UN HUMANISME.

Parce que j'ai ces convictions chevillées au corps, je ne peux que changer d'avis et depuis deux ans, je profite moi aussi de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes pour rappeler combien le combat doit continuer. Vive le 8 mars!"



mercredi 29 janvier 2014

la fille fait sa rimeuse

La fille est :

Joueuse. Chieuse. Rieuse. Glandeuse. Blagueuse. Curieuse. Nageuse. Flâneuse. 
Des fois paresseuse et d'autres courageuse.
Atteinte de fièvre acheteuse. Puis anxieuse. 
Chanceuse. Danseuse. Mais pas chanteuse. 
Penseuse. Rêveuse. Capricieuse. Présomptueuse. Impétueuse. Prêteuse. 
Des jours, se sent affreuse, adipeuse, vaseuse, prétentieuse, poussiéreuse, pouilleuse, miteuse, boutonneuse. 
D'autres, joyeuse, harmonieuse, précieuse, lumineuse. 
Ni pieuse, ni pleurnicheuse. 
Affectueuse. Généreuse. Aventureuse. Chaleureuse.
Ni odieuse, ni monstrueuse. 
Ni silencieuse!
Un peu nerveuse. Pas tellement peureuse. Très frileuse. Fumeuse (ce qui n'arrange pas la frileuse). 
Et surtout...heureuse!

Mais ce qu'elle aimerait bien la fille, c'est être amoureuse...

"Ce matin, j'ai décrété qu'être célibataire était un grand malheur. 
Alors qu'avant-hier, c'était vraiment pas un problème.
Je trouvais même que vivre selon mes envies (dans la mesure des contraintes que m'imposent la vie, les gosses, le boulot, tout ça...) c'était la classe. 
Que dîner, voir les copines, partir en vacances, comme je veux, quand je veux & avec qui je veux, c'était la classe. 
Que passer 4 heures dans la salle de bains sans que ça dérange personne, c'était la classe.
Que me ridiculiser en soirée pour faire rire les potes, sans craindre de faire partir en courant un éventuel amoureux, c'était la classe.
Que traîner le lendemain ma gueule de bois, dans un jogging dix fois trop grand, les cheveux ternes, l’œil vitreux et l'air bovin c'était la classe (ouais, j'appelle ça comme ça aussi).
Que de ne pas avoir de compromis à faire au quotidien, c'était la classe.
Que, pour résumer, être libre et détachée, c'était trop la classe.

Oui, mais voilà, d'un seul coup, je trouve qu'un peu de tendresse me ferait pas de mal.
Qu'un petit mot doux à l'oreille, comme ça en passant, ça serait encore plus classe.
Qu'avoir le sentiment d'exister, de compter pour quelqu'un, ce serait encore carrément plus classe. 
Que de ressentir ce truc au fond du ventre en rencontrant quelqu'un, tu sais ce truc incontrôlable, qui fait que rien d'autre ne compte, que tu penses plus à bouffer, à boire, à faire tes lessives, que ton téléphone n'est plus un prolongement de toi-même, mais une véritable partie de ton corps, à laquelle ton cerveau est connecté en permanence, au cas où... que tous tes sens sont accaparés par cette nouvelle personne, sa vue, son odeur, sa peau, son goût, bref, ressentir à nouveau tout ça, en ce moment, je me dis que ce serait d'une classe incomparable."

Elle est comme ça la fille, elle se rêve un peu classieuse...

Et des fois, même, elle se dit que:

"Si ça se trouve, un jour, j'en trouverai un qui m'aimera. Ouais. 
Et même en jogging, le cheveu hirsute et l’œil bovin (mais l'haleine fraîche hein, faut pas abuser non plus)
Même en robe trop canon mais des blagues vaseuses plein la bouche.
Même après 4 heures dans la salle de bains pour ressortir avec exactement la même allure qu'en y entrant (tu crois peut-être que ça se voit, un gommage-masque-exfoliation-hydratation,shampooing-masque-après-shampooing-lissage-blablabla..?)
Même après m'avoir vue danser. Ou saoule. Ou danser quand je suis saoule.
Bref, un qui m'aimera comme je suis."

Ouais, elle est comme ça la fille, c'est une méga-dreameuse...
Mais, elle a le droit, non?

mardi 28 janvier 2014

La fille pense à des trucs...(f)utiles

Dans la tête de la fille, des fois, il y a des monologues de ce genre-là:

"Tiens, cette saison, le bleu canard, c'est devenu le bleu paon. Je l'ai lu dans Marie-Claire et Cosmo et tous les autres. J'en ai un peu marre de mon manteau bleu canard, tiens. Oui, je dois dire bleu canard depuis le temps que je l'ai, c'était pas encore la mode du bleu paon. D'ailleurs il est vraiment trop grand maintenant. Non, maintenant je voudrais un manteau bleu marine. Oui, steuplé steuplé steuplé, faut que je trouve un manteau bleu marineuh!!! Ben oui, bottes camel, sac camel, manteau bleu marine."

La fille fait les soldes, ne trouve pas de manteau bleu marine, mais sa cousine, oui. Et la fille trouve des bottes noires sublimes qu'elle cherchait depuis des années, oui, des années. Et la belle pièce Sess#n qu'elle voulait, à savoir une robe verte. Paraît qu'avec ses robes noires, elle saoule tout le monde, et ben là, elle en a pris une verte.

"Non, mais bleu marine, ça fait classique hein, quand-même. Et puis avec mes bottes noires, ma robe verte, il me faut un manteau noir. C'est ça, un manteau noir. Ça, de la robe noire, j'en ai. Mais alors les manteaux, du rouge, du bleu canard, du beige, du chiné, du gris, ça y a, mais un bon petit basique noir, même pas, pffff! Bon, y a plus qu'à trouver LA couturière qui saura reprendre le manteau à col claudine magnifique que j'ai acheté en brocante, mais qui doit faire 10 tailles de trop et que j'ai pris quand-même parce qu'il était trop beau et... si vintage!"

La fille reprendra peut-être même le monologue quand se posera l'épineuse question du: "Oui mais, le sac camel avec tout ce noir, ça fait pas un peu bizarre?"

Et oui, c'est comme ça des fois, dans la tête de la fille. Pas tout le temps, hein, heureusement, mais des fois. Chut! Ça reste entre nous.